Opéra de Québec Madama Butterfly “La révélation de la soirée fut assurément l’inspirante et dynamique Clelia Cafiero”

by | Jun 7, 2023 | Featured, Reviews

Pour sa première production, en 1985, L’Opéra de Québec avait choisi Madama Butterfly. Repris en 1999, 2005 et 2013, cet opéra de Puccini revient donc sur la scène du Grand Théâtre pour la 5e fois. La pandémie étant officiellement terminée, ses quatre représentations ont été à guichets fermés, de quoi rendre son sourire au directeur de l’Opéra de Québec, Jean-François Lapointe.

Le côté visuel a été entièrement réalisé à Québec : les costumes, signés Émily Wahlman, et le décor de Michel Baker, un collaborateur régulier de l’Opéra de Québec. Tout s’est passé devant une maison japonaise aux portes coulissantes—que les chanteurs devaient manipuler avec soin—sur fond de baie de Nagasaki. Lorsque Cio-Cio-San se prépare à mourir, tout disparaît pour céder la place à un immense disque solaire. Quelques jeux d’éclairage et un déferlement de vagues projeté durant le prélude du 3e acte venaient rehausser le tout.

Bien connu du milieu lyrique québécois, le metteur en scène François Racine, qui avait monté ici-même en 2017 un remarquable Rigoletto, a montré une fois de plus le respect qu’il accorde à une œuvre dramatique et toute l’émotion qu’il peut en dégager. Le choc des cultures et des mentalités qu’il faisait ressortir était frappant : difficile de rester impassible devant l’arrogance colonialiste de Pinkerton, l’amour absolu de la jeune Butterfly (Cio-Cio-San) de 15 ans, et l’opportunisme presque malsain de l’entremetteur Goro.

Deux sopranos ont alterné le rôle-titre : la Coréenne MyungJoo Lee et l’Italienne Francesca Tiburzi. C’est cette dernière que j’ai pu entendre le 13 mai. Elle possède une grande voix, idéale pour les tragiques héroïnes pucciniennes, telle Tosca. Elle l’a d’ailleurs prouvé dans la spectaculaire scène finale. À sa première apparition, on aurait pu craindre que la richesse de son soprano spinto nuise à la délicatesse qui incombe à son personnage, mais rapidement, elle a trouvé le ton juste pour rendre à Butterfly son caractère juvénile, naïf et spontané. On a pu apprécier sa musicalité et son raffinement dans ses duos avec Pinkerton, dans le célèbre “Un bel dì, vedremo”, sa puissance et son tempérament passionné dans ses colères contre les sceptiques, dont Suzuki et le consul Sharpless.

La Suzuki de la mezzo-soprano québécoise Lysianne Tremblay donnait plus l’impression d’être une confidente aux allures maternelles que la simple servante de Cio-Cio-San. Sa voix, chaleureuse et équilibrée dans tous les registres, se mariait bien avec celle de Tiburzi ainsi que dans le solide trio du troisième acte avec Pinkerton et Sharpless.

Le ténor québécois Éric Laporte, qu’on a apprécié dans Le vaisseau fantôme de Wagner en 2019 était Pinkerton, le « Yankee vagabondo », un rôle scéniquement plutôt passif, mais qu’il a défendu vocalement avec panache, livrant de beaux moments dans le duo nuptial du premier acte et dans ses remords du troisième acte.

Le baryton Philip Addis, déjà entendu plusieurs fois à l’Opéra de Québec, était un élégant et prévoyant consul Sharpless. J’ai particulièrement apprécié sa souplesse vocale et son legato.

Parmi les nombreux personnages qui gravitaient autour de ce quatuor, figuraient plusieurs bons chanteurs québécois, dont le baryton-basse Michel Desbiens (le commissaire) et la basse Marcel Beaulieu (le bonze). Une mention spéciale va au ténor français Antoine Normand, très habile à tous points de vue dans le rôle Goro, et au baryton québécois Geoffroy Salvas, l’imposant prince Yamadori, prétendant éconduit de Cio-Cio-San.

Le chœur de l’Opéra de Québec a été à la hauteur de sa réputation, en particulier la section féminine, pour son délicat coro a bocca chiusa.
Depuis quelques années, les femmes cheffes d’orchestre prennent leur place sur la scène internationale. La révélation de la soirée fut assurément l’inspirante et dynamique Clelia Cafiero; main de fer dans un gant de velours, elle a dirigé l’Orchestre symphonique de Québec avec souplesse, ampleur et intensité, donnant tout son sens à la partition de Puccini.

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OPÉRA DE QUÉBEC
MAY 13 TO 20
PUCCINI MADAMA BUTTERFLY
Conductor Clelia Cafiero
Stage director François Racine
Set designer Michel Baker

Cio-Cio-San MyungJoo Lee
B.F. Pinkerton Eric Laporte
Suzuki Lysianne Tremblay
Sharpless Phillip Addis
Goro Antoine Normand
Lo zio Bonzo Marcel Beaulieu
Il principe Yamadori Geoffrey Salvas
Kate Pinkerton Genveviève Dompierre-Smith
Lo zio Yakusidé Robert Huard
La zia Andréanne Laprise
La cugina Émilie Baillargeon
Il Commissario imperiale Michel Desbiens
La madre di Cio-Cio-San Agathe Herrmann

Orchestre symphonique de Québec
Chœur de l’Opéra de Québec

Irène Brisson

Musicologist Irène Brisson taught music history for nearly 35 years at the Conservatoire de musique de Québec. A lecturer, radio host and editor of numerous music articles, she has been working as a reviewer for Opera Canada for over 16 years.

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